La prolifération des rats, un danger souvent sous-estimé en ville

Dans certaines villes, les rats ne se contentent plus des recoins sombres, ils s’affichent ouvertement sur les trottoirs, profitant d’une croissance démographique fulgurante. Leur présence ne relève plus de la simple nuisance : il s’agit d’une menace réelle pour la santé publique. Ces rongeurs véhiculent des maladies qui, parfois, passent de l’animal à l’humain, telles que la leptospirose ou la salmonellose.

Les conséquences ne se limitent pas à l’aspect sanitaire. Câbles électriques entaillés, canalisations perforées, bâtis fragilisés : chaque invasion de rats se paie comptant, pour les particuliers comme pour les municipalités. Ignorer le problème, c’est préparer le terrain à une facture collective dont le montant ne cesse de grimper : réparations, pannes, urgences successives.

Les causes de la multiplication des rats en ville

La prolifération massive n’a rien d’exagéré : en France, la dynamique s’est nettement accélérée ces dernières années. Plusieurs facteurs nourrissent cette croissance.

À Paris, Anne Souyris, adjointe à la mairie, observe un boom des signalements, ces derniers mois en particulier. Le contexte de la pandémie a changé la donne : moins de déplacements humains, davantage de tranquillité pour les rongeurs, qui en ont profité pour s’installer durablement.

À Rennes, Dominique Durand souligne le rôle des restes alimentaires disséminés dans l’espace public. Chaque déchet représente un repas, et tant que la nourriture coule à flots, la reproduction suit la même courbe. Plusieurs quartiers subissent les conséquences, voici quelques cas concrets pour situer l’ampleur du phénomène :

  • Le quartier de Villejean à Rennes : la population de rats y explose sans répit.
  • La ville de Paris elle-même, sous la houlette d’Anne Hidalgo, multiplie les initiatives pour endiguer la progression.
  • À Bordeaux, les craintes exprimées par le conseiller municipal Jean-Baptiste Thony prennent une tournure plus concrète chaque année.

Cette réalité impose de repenser toute la question de la gestion des déchets. Certains projets, comme Armagedon, sous l’égide du Museum national d’histoire naturelle, ambitionnent d’inventorier et de contrôler plus finement les populations de rongeurs en zone urbaine.

En Île-de-France mais aussi à Bordeaux ou ailleurs, l’ampleur du problème exige une réponse collective, continue. On ne parle plus simplement d’hygiène, mais de santé publique ; d’une responsabilité qui ne concerne plus que les balayeurs ou les commerçants, mais bien l’ensemble des acteurs citadins.

Risques sanitaires et impact économique

La présence accrue de rongeurs ne salit pas uniquement l’image des cités : elle met en jeu la santé de tous. D’abord par la transmission de maladies dont certaines, comme la leptospirose, peuvent entraîner fièvre intense, douleurs, et complications au niveau rénal ou hépatique. Les autorités sanitaires rappellent que la vigilance doit s’accentuer dès que les températures grimpent et que les activités extérieures augmentent.

Parmi les autres infections associées à ces animaux, on recense :

  • La salmonellose, qui s’attaque rapidement au système digestif et peut se propager facilement.
  • La peste, plus rare aujourd’hui mais toujours surveillée de près, la transmission via les rats et leurs puces n’ayant jamais totalement disparu.

Le coût généré par les dégâts dépasse largement les dépenses classiques de propreté urbaine. À Paris, chaque nouvelle campagne de dératisation pèse sur les finances de la ville. Bordeaux, de son côté, affecte des budgets spécifiques pour répondre à l’intensité de la menace.

Le secteur agroalimentaire, tenu à l’œil sur la question de la contamination, renforce en permanence ses contrôles. Les professionnels du tourisme, quant à eux, voient leur activité vulnérabilisée dès que la réputation d’un lieu pâtit de la présence de rats. À tous les étages, l’économie locale ressent l’effet domino de cette invasion.

rats urbains

Des stratégies sur plusieurs fronts

Réagir passe par une diversité d’actions et d’acteurs. Dominique Durand, au Museum national d’histoire naturelle, investit le projet Armagedon : il analyse le comportement des rats pour mieux anticiper leurs déplacements et choisir des solutions adaptées. Plusieurs méthodes se dégagent aujourd’hui :

Stratégies Acteurs
Études comportementales Museum national d’histoire naturelle, projet Armagedon
Piégeage et dératisation Hynera Environnement, Jacky Minier
Gestion des biodéchets Céline Jouin, technicienne en biodéchets

Sur le terrain, la dératisation ne disparaît pas, mais n’est qu’un volet de la réponse. Des experts comme Jacky Minier (Hynera Environnement) interviennent, tout en insistant sur la nécessité d’agir en préventif. Céline Jouin, technicienne spécialiste des biodéchets, consacre ses efforts à rendre la nourriture inaccessible pour les rats, un levier plus efficace sur le long terme.

Côté recherche, Romain Lasseur (Inra) souligne l’utilité d’analyses comportementales poussées pour cibler précisément les interventions urbaines. Pierre Falgayrac, spécialiste reconnu, ajoute que tout progrès tient à la collaboration serrée entre collectivités, scientifiques et entreprises spécialisées.

Chaque démarche, chaque modification dans nos habitudes urbaines, dessine la possibilité d’un nouvel équilibre. La bataille contre les rats ne relève ni du sprint ni de la fatalité : elle s’inscrit dans la durée, à la croisée de nos choix et de notre résilience collective. Les villes qui s’en sortent sont celles qui anticipent, s’adaptent et refusent que les rongeurs fixent leurs propres lois sur le bitume.